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Ethnomusicologie et historicité du monde arabe 

 

 

Mon parcours étant marqué de façon croissante par l'histoire de la

musique, j'ai été amené à formuler quelques réflexions pour préciser les

relations de cette dernière avec l'ethnomusicologie pour des recherches

à venir. Cette démarche me semble de plus en plus indispensable pour

l'étude de la civilisation arabo-musulmane, dont la longue histoire

culturelle peut être documentée grâce à la présence de corpus écrits et

des témoignages historiographiques abondants tout autant que par des

documents sonores. En tant qu'ethnomusicologue, je suis d'autant plus

à l'aise pour le faire que j'ai consacré une grande partie de mes travaux

précédents à l'oralité (L'oralité : Yémen et Monde arabe, Oralité, humour et

musique), et qu'il me semble que ces deux aspects doivent maintenant

être étudiés ensemble. Ces réflexions restent ouvertes à toutes les

suggestions des collègues et des étudiants qui seraient tentés par

l'aventure...

 

Comme je l'ai expliqué dans une page de ce site (Histoire de la musique), j'ai commencé, parallèlement à mes travaux de terrain en ethnomusicologie, des recherches à la fois sur l'histoire de la musique yéménite, sur l'histoire des contacts entre cette dernière et la musique du Golfe, ainsi que sur l'histoire de la musique arabe au Proche-Orient. Par ailleurs, je porte un intérêt soutenu à l'histoire médiévale et moderne de la musique arabe, notamment la statut de la musique dans l'islam médiéval, l'histoire de la psalmodie coranique, les continuités culturelles repérables dans les répertoires modernes, l'élaboration des systèmes musicaux, etc... Bien entendu, il n'est pas possible de traiter ici de ces questions, qui nous meneraient trop loin, en particulier parce qu'elles nécessitent une approche comparée des manuscrits arabes, persans et turcs : celle-ci devrait être menée en priorité par les chercheurs qui sont locuteurs naturels de ces langues, mais il faudra bien un jour que des chercheurs arabes apprennent le turc ottoman et le persan... Signalons seulement que quelques progrès faits dans le décryptage des manuscrits comme l'ouvrage d'Amine Beyhom (2010), ou un récent colloque à Ankara de l'ICTM ("Makam" et "Arab Music" study groups, décembre 2014) :

http://www.ictmusic.org/group/104/post/programme-2014-joint-symposium-ictm-study-groups-maq%C4%81m-and-music-arab-world

 

Ici, il s'agira donc avant tout de la période contemporaine. Vers quoi peuvent nous mener ces préoccupations qui n'ont pas toujours attiré l'attention de mes collègues ethnomusicologues ? J'aimerais essayer de l'envisager ici sur le plan théorique.

 

La nécessité pour l'ethnomusicologie de prendre en compte la diachronie avait déjà été soulignée par Bruno Nettl (1983, 260), et elle a été développée au début des années 90 par le livre de Stephen Blum, Philip Bohlman, et Daniel Neuman (1993). Le "Prologue" que S. Blum avait écrit pour ce volume soulevait la plupart des problèmes éthiques et politiques se posant aux ethnomusicologues de la fin du XXème siècle, en relation avec l'historicité des musiques et des sociétés qu'ils étudient. Il mentionnait de façon emblématique le destin du père Komitas (1869-1935), grand musicologue et ethnographe arménien qui avait collecté des milliers d'heures de musique des peuples de la région (pas seulement de la musique arménienne), avant de perdre, à la suite du génocide arménien, à la fois les fruits de ses collectes et sa propre raison (Blum 1993, 2). Remarquons que ce volume contenait aussi un article remarquable de Jihad Racy sur le Congrès de musique arabe du Caire de 1932, qui servira ici de point de départ à ma réflexion.

 

Je retiendrai donc provisoirement quatre pistes à développer, dont la première sera le face à face musical existant entre l'Orient et l'Occident depuis le XIXème siècle. Puis je considérerai les possibilités d'élargir le type de sources qui peuvent être utilisées et qui ne l'ont pas été jusqu'ici : les archives sonores, ainsi que les archives écrites. Nous conclurons par une réflexion spécifique visant à faire avancer ensemble l'approche historique et l'approche anthropologique de la musique, ou en d'autres termes, à historiciser l'ethnomusicologie du monde arabe.

 

 

Un face-à-face musical entre l'Orient et l'Occident

 

L'étude approfondie des débats du Congrès de Musique Arabe Caire (CMAC) de 1932 (Racy 1993) montre qu'au début du XXème siècle, les musicologues égyptiens et arabes étaient fascinés par la toute puissance de la technologie européenne, ce qui se traduisait par une admiration sans bornes pour les musiques militaires et les grands orchestres (classiques et jazz) (Belleface 1987-88 ; Vigreux 1991). Cette fascination était mêlée d'une grande hostilité politique envers les puissances coloniales, qui résultait de la légitime volonté d'indépendance des peuples et de leurs élites. Comme le montre l'oeuvre posthume de notre regretté collègue Bernard Moussali, qui décrit des débats du Congrès par le menu (Lambert 2008, Moussali 2017 A paraître), cette ambivalence se traduisit en particulier par l'adoption officielle de l'échelle tempérée à 24 quarts de tons, conçue non seulement comme un alignement sur les Occidentaux (qui n'avaient que 12 demi-tons), mais même comme une surenchère (on allait faire mieux qu'eux, avec le double...). Peu de temps après, les orchestres égyptiens devinrent pléthoriques et furent envahis par des cohortes de violons et adoptèrent un style académique et quelque peu stérile (Shawan 1980). Quelques décennies plus tard, le clavier fut adapté avec succès aux degrés orientaux de l'échelle grâce à l'invention du synthétiseur...

 

Lorsque l'on prend en compte cette relation fondamentalement inégale, on comprend beaucoup mieux certaines attitudes des musicologues égyptiens de l'époque qui, du point de vue des musicologues occidentaux, semblaient se fourvoyer par leur obsession de la modernité, et négligeaient une grande partie des traditions culturelles de leur pays, parce qu'ils les considéraient comme inutiles, voire néfastes à leur projet national. L'événement du Congrès du Caire fut à proprement parler fondateur de la nouvelle "musique arabe", non seulement parce qu'il brandissait un étendart politique par son titre, mais également par le changement de nom de l'Institut de Musique Orientale du Caire (IMOC) (qui avait hébergé le Congrès), qui fut rebaptisé dans la foulée "Institut Royal de Musique Arabe". Ces questions reviennent donc à soulever des problèmes politiques majeurs (Blum 1991, 2-3) : parce que la France et l'Angleterre étaient encore des puissances coloniales dominantes dans le monde arabe, au Congrès, la voix "traditionaliste" des comparatistes allemands, ainsi que celle des musicologues français, Cara de Vaux, Collangettes et Chottin, ne pouvait qu'être antinomique avec celle des Egyptiens modernistes, c'est-à-dire les élites les plus dynamiques de l'époque. Il convient d'ailleurs d'ajouter à cette analyse certaines nuances. Par exemple, le grand historien britannique de la musique arabe, Henry Farmer, qui était présent lui aussi au Congrès, adopta une position assez différente des musicologues français et allemands, en se montrant plus ouvert aux choix modernistes des Egyptiens. De même, du côté égyptien, les modernistes étaient confrontés à un fort courant traditionaliste, et l'issue du Congrès fut plutôt dominé par une sorte de réformisme qui fit des compromis entre les deux extrêmes (Lambert 2008).

 

Naturellement, les témoignages orientaux et occidentatux qui racontent ces événements sont eux aussi assez divergeants. Une telle prise en compte de deux versions contradictoires d'un même événement commence à être assumée de manière croissante par l'anthropologie historique comme anthropologie de l’action, de l’événement et des transformations sociales. Celle-ci s’interroge notamment sur les rapports et les différences entre explication anthropologique (globalisante) et explication historique (contextuelle), dans une perspective qui souligne la nature des phénomènes sociaux comme des processus (Bensa et Fabre 2001). Il semblerait même que la musique pourrait avoir une fonction de transformation, car il arrive que la musique permette aux différentes versions locales de l'histoire de cohabiter sans dommage (Blum 1991, 1, 5). Mais en ce qui concerne une activité spécifique comme la musique, il ne s'agit pas seulement d'histoire événementielle, mais de la confrontation de deux ou plusieurs esthétiques et de l'évolution de cette confrontation, qui se fait souvent à fronts renversés.

 

Ainsi, depuis au moins les années 30, il n'était déjà plus possible d'enfermer les Arabes dans leur culture musicale, ni de rejeter d'un revers de main toute la musique acculturée qui s'est développée dans le monde arabe en dépit des naïvetés dont cela s'accompagna (Racy 1993). C'est cependant bien dans cet esprit qu'avaient oeuvré les membres de la Commission des Enregistrements du CMAC, en ne sélectionnant que les formations qu'ils considéraient comme "traditionnelles". D'ailleurs, lorsque les orientalistes purent contribuer à l'esthétique des troupes, ils intervinrent nettement dans un sens conservateur. Ce fut ainsi le cas du Baron d'Erlanger pour la préparation de la délégation de musiciens tunisiens au Congrès du Caire, qui contribua largement aux choix traditionnalistes faits par l'ensemble de Khamîs Tarnan, par le biais de ses collaborateurs tunisiens et syriens (Moussali - Lambert 2015).

 

Pour sa part, la tendance moderniste chez les Egyptiens n'était pas sans arguments artistiques. Dans le volume mentionné, Stephen Blum reprend, de l'article de Racy, ces paroles fameuses d'un des responsables égyptiens du Congrès : "Avant de prononcer le verdict selon lequel notre musique devrait être confinée à son style distinctif, faites appel à votre conscience. Si nous vous demandions d'échanger notre musique avec ce que vous considérez comme le plus charmant et le plus beau dans votre propre musique, est-ce que vous accepteriez cet échange de bonne grâce ?" (Racy 1991, 78).

 

En fait, c'est seulement aujourd'hui, plusieurs décennies après, qu'il apparaît que la réponse à cette question n'était pas si évidente : d'une part la globalisation des goût musicaux a notamment vu un nombre croissant de mélomanes et de chercheurs occidentaux se passionner pour les musiques orientales, et s'en inspirer à leur source même ; et d'autre part, de nombreux musiciens arabes situent désormais leur travail de création dans l'entre-deux de l'immigration en Occident et de la diaspora. Dans ce domaine, il est probable qu'il n'y a pas de vérité unique, et que les deux parties avaient raison, chacune à sa manière. Mais comment comprendre ce curieux chassé-croisé où les Arabes modernistes valorisent la culture occidentale tandis que les orientalistes occidentaux défendent la tradition orientale ? Pour aller plus loin, il semble indispensable d'élargir le spectre des observations historiques en recourant à un certain nombre de sources n'ayant pas encore été exploitées, à la fois des archives sonores et des archives écrites, qui doivent être identifiées, localisées, rendues accessibles. Mais ces nouvelles sources doivent être interrogées selon de nouvelles approches anthropologique et ethnomusicologique de la musique arabe.

 

 

Archives sonores et orales

 

L'indigence de l'histoire de la musique arabe, est avant tout liée à la pauvreté des sources qu'elle utilise. Pourtant, la communication numérique est en train de bouleverser le paysage documentaire. Il existe de nombreuses ressources en ligne disséminées dans des sites internet qui ont une offre plus ou moins ouverte et qui sont en évolution constante. Certains de ces sites sont plutôt orientés vers la musique de la première moitié du XXème siècle, par exemple :

   - Ziryab pour la musique orientale (en arabe) : http://www.zeryab.com

   - Zamân al-wasl (Le temps de la réunion) (en arabe) : http://www.zamanalwasl.net/

 

D'autres sont plutôt orientés vers les artistes de la deuxième moitié du XXème siècle :

   - Classical Arabic Music (en anglais) : http://www.classicalarabicmusic.com

   - Site personnel de Saad Agha al-Kalaa (en arabe) : http://www.agha-alkalaa.net/

 

Ces sites se contentent souvent d'offrir de simples listings de pièces musicales, avec une approche plus ou moins rigoureuse, parfois plutôt orientée vers l'enseignement que vers la recherche (notamment Classical Arab Music). Certains sites sont plus collaboratifs que d'autres (notamment Zamân al-Wasl). Pour la plupart, ils sont le fruit d'efforts personnels valorisant des collections privées, mais ne s'appuient pas sur des fonds rigoureusement organisés ni sur des institutions durables. Aussi y a-t-il encore beaucoup d'archives qui ne sont pas numérisées et donc pas accessibles en ligne.

 

Pour ma part, j'ai déjà mentionné mes activités dans le domaine des archives sonores (Archives sonores). Il faut maintenant montrer à la fois comment systématiser ce travail documentaire et comment ces archives pourraient contribuer à l'écriture de l'histoire de la musique, ainsi qu'à analyser les problèmes anthropologiques que je viens de mentionner. Il semble maintenant bien établi que les archives sonores permettent d'avoir un regard retrospectif, à la fois sur la discipline ethnomusicologique (Gérard 2014) et sur les musiques étudiées elles-même (Furniss, panel "Traditional music from Cameroon and Gabon, 1907-2013", ICTM Historical Sources Conference, Aveiro, may 2014, p 10) :

http://www.ictmusic.org/sites/default/files/Abstracts%20Aveiro%20for%20website1.pdf

 

 

De même, les documents sonores accumulés au CREM (http://archives.crem-cnrs.fr/) permettent de remonter au moins jusqu'à l'année 1900, soit plus d'un siècle d'histoire pour beaucoup de peuples du monde. Leur plus grande accessibilité multiplie les possibilités de recherche diverses, géographiques et thématiques. Cependant, il convient de noter que pour pour la plupart, ces enregistrements de terrain n'avaient pas été recueillis dans une perspective diachronique, et que pour cette raison, ils nécessitent souvent une "re-documentation" spécifique, notamment en ce qui concerne leur datation. En fonction de ces considérations, il faut reconnaître que les enregistrements de terrain ne sont pas les seules sources possibles pour écrire l'histoire de la musique : il y a également les enregistrements commerciaux qui ont été accumulés dans les collections privées comme dans des collections publiques, et dont la nature permet souvent une documentation de base assez solide, grâce à plusieurs supports : les catalogues commerciaux, qui contiennent souvent les dates d'édition et des photos des musiciens, les rondelles de disques, les pochettes, les archives de production.

 

Nous avons la chance d'avoir eu en France à la fin du XXème siècle des chercheurs de grande valeur qui ont fait progresser l'histoire de la musique arabe en prenant en compte ces enregistrements : Christian Poché, Bernard Moussali, Philippe Vigreux, Frédéric Lagrange et quelques autres.

 

Dans une thèse encore trop peu connue, Frédéric Lagrange (1993) a fait (suivant la voie ouverte par la thèse du libano-américain Jihad Racy en 1977) un panorama historique de la musique égyptienne depuis le XIXème siècle à partir de l'immense corpus de disques 78 tours commerciaux enregistrés entre 1900 et 1930, effectuant à cette occasion des recherches notamment dans les archives de la société EMI, héritière de la Deutsche Gramophone (pour l'ensemble des publications de F. Lagrange : http://mapage.noos.fr/fredlag/). Cette approche semble incontournable pour la musique savante, et très utile même pour de grandes parties de la musique populaire.

 

A la suite de ces premiers travaux qui valorisèrent la production discographique commerciale, la fondation AMAR, créée plus récemment au Liban, a entrepris de sauvegarder les archives elles-mêmes, en premier lieu les disques 78 tours originaux qui concrétisent la mémoire de ces premières décennies du XXème siècle (http://www.amar-foundation.org). Ainsi, la recherche sur le corpus des 78 tours, qui avait commencé de manière individuelle et avec peu de moyens, s'est transformée en une recherche collective d'envergure et valorisant ces sources originales, qui sont fondamentales pour restituer une qualité d'écoute optimale, ainsi que pour documenter au plus près l'histoire de l'industrie du disque. Une telle exhumation, après des décennies de gel nationaliste et de laisser aller technologique, ne peut qu'avoir des conséquences très positives, et faciliter un réexamen d'ensemble de l'identité de la musique arabe. Aussi peut-on s'attendre à une troisième phase où l'on se réappropriera ces archives devenues plus accessibles, pour des recherches à une toute autre échelle, notamment à travers la constitution de grandes bases de données, ainsi que d'instruments de diffusion web à grande échelle (voir par exemple la radio en podcast d'AMAR, "Rawdat al-Balâbil Broadcast" :

http://www.amar-foundation.org/podcasting/ (en anglais et en arabe). Cet accès facilité devrait permettre aussi à ces archives de toucher un public plus large que les chercheurs, par exemple les musiciens et créateurs contemporains.

 

Cette réappropriation est déjà palpable dans le développement d'analyses formelles à partir de ces corpus, comme les entreprend Nidaa Abou Mrad, dans de nombreux articles (par exemple 2011, 2012) et dans l'animation de la revue RTMMAM (Revue des Traditions Musicales des Mondes Arabe et Méditerranéen, déjà 6 numéros parus).

 

Un autre type d'enregistrements, ni à proprement parler commercial, ni à proprement parler de terrain, peut aussi être exploité. Comme le montre la ré-édition des enregistrements du Congrès de musique arabe du Caire de 1932 (Moussali-Lambert 2015), il est possible de réévaluer assez profondément l'image que nous avions jusqu'ici de cet important événement politico-musical, en particulier lorsqu'on peut rapprocher ces documents sonores d'un corpus de textes théoriques et de témoignages historiques. En effet, ces enregistrements remettent à l'honneur certains aspects qui avaient été sous-estimés dans les discussions au Congrès, en particulier les aspects sociologiques et les sources multiculturelles de la musique arabe, ce qui favorisera à plus long terme une écriture de l'histoire plus englobante. On peut en particulier analyser les choix d'enregistrements qui ont été faits, et aussi les formes musicales qui ont été rejetées par la Commission des Enregistrements.

 

 

A côté de ces quelques fonds majeurs sur l'Egypte, qui, espérons-le, seront exploités un jour, le reste des pays arabes demeure en friche. Pourtant, les corpus musicaux et textuels sont là, qui ne demandent qu'à être archivés et numérisés... Mentionnons parmi d'autres un ensemble documentaire non encore exploité, celui, justement, de Bernard Moussali, qui a été déposé au CREM :
http://archives.crem-cnrs.fr/archives/collections/CNRSMH_E_2011_002_001/

 

Ce fond comprend notamment de nombreuses cassettes commerciales produites dans le monde arabe et aujourd'hui introuvables, par exemple des chanteurs populaires du Sa'îd égyptien.

 

Pour certains pays comme ceux du Maghreb, notamment l'Algérie, le fond de la Bibliothèque Nationale de France est décisif, car il bénéficia dès le début du dépôt légal pour toute la publication discographique algérienne (voir Gallica :

http://gallica.bnf.fr/Search?ArianeWireIndex=index&p=1&lang=FR&f_typedoc=audio&q=alg%C3%A9rie&x=16&y=16).

 

َA noter également en Tunisie les efforts du Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes (Palais al-Najma al-Zahra, Sidi Bousaid) pour archiver les enregistrements commerciaux comme de terrain :

http://www.cmam.nat.tn/content/ar/19/%D8%B1%D8%B5%D9%8A%D8%AF-%D8%A7%D9%84%D8%AA%D8%B3%D8%AC%D9%8A%D9%84%D8%A7%D8%AA.html

 

 

Les musiques populaires

 

Les musiques populaires sont souvent le parent pauvre de toutes ces études et ces efforts d'archivage. D'une manière générale, on peut regretter la forte séparation entre musiques "classiques" et musiques populaires. Elle reflète manifestement des goûts et des préférences qui sont liés une hiérarchie de la société, les musiques de tradition purement orale étant moins "nobles" que celles dotées de textes poétiques manuscrits, voire de textes théoriques. Pour leur part, les chercheurs devraient, dans leurs travaux, favoriser les décloisonnements, en mettant en particuier en évidence toute la palette d'usage de l'écriture et de l'oralité dans la transmission de la musique. A l'époque contemporaine, l'ethnomusicologie a renversé cette opposition en valorisant de préférence les musiques tribales et rurales. Par exemple au Congrès du Caire de 1932, si les musiques populaires avaient été représentées à un niveau inférieur à leur importance, le grand ethnomusicologue allemand Robert Lachmann profita de sa présence au Caire pour aller faire des enregistrements de ces musiques en Haute Egypte. Ceux-ci sont déposés au Phonogramm Archiv de Berlin et sont en cours de numérisation. Simultanément, en Egypte, la collecte de ces musiques populaires a enfin pris corps, non pas du fait des institutions musicales oficielles, mais grâce à des folkloristes et ethnographes indépendants qui ont créé le Centre égyptien Makan pour la Culture et les Arts  :

http://egyptmusic.org/en/

 

 

 

L'Oman présente un cas de figure différent, dans la mesure où il n'y existe pas de "tradition classique", et où l'ensemble des musiques nationales sont considérées comme "populaires". Elles y ont été collectées massivement dès les années 80, et on peut les écouter au Centre des Musiques Traditionnelles à Mascate :

http://www.octm-folk.gov.om/marab/audiovedio.asp

 

Enfin, il faut signaler d'autres efforts en cours pour constituer des archives sonores des musiques populaires (et ds musiques religieuses) dans d'autres pays arabes comme le Liban, à l'Université Saint Esprit de Kaslik, et en Algérie au Centre Nationale de la Recherche en Préhistoire, 

 

 

 

Archives écrites

 

En dehors des archives sonores, dont l'importance commence seulement à être reconnue largement, on remarque la multiplication des sources écrites : les auto-biographies des musiciens, la presse, les archives coloniales, les archives des musicologues orientalistes, parmi d'autres. Ces sources sont souvent encore très mal connues et restent en friche.

 

Durant les dernières années, sont parues au Moyen Orient de nombreuses mémoires auto-biographiques d'acteurs importants de l'histoire contemporaine. Si cela est vrai dans le domaine politique, cà l'est aussi dans le domaine musical, et dans certains cas, les deux se rencontrent. Ce sont notamment les mémoires d'un personnage central comme l'Algérien Mahieddin Bachtarzi, musicien et homme de théâtre (1968-86, en français) qui, bien qu'assez anciennes, ont été peu exploitées (https://generationsexpo.wordpress.com/2011/11/28/mahieddine-bachtarzi-le-caruso-du-desert/). Ou bien celles du musicien palestinien Wâsif al-Jawhariyya, qui assista aux derniers temps de l'occupation ottomane en Palestine et à la période du Mandat britannique (Jawhariyyah 2001, en arabe, cité par Simon Montefiore 2011, 725-728 et 753-758). Un tel document, comme bien d'autres, n'a pas encore attiré toute l'attention qu'il mérite.

 

Concernant la presse arabe, le travail pionnier de Philippe Vigreux à propos du Congrès du Caire (CEDEJ 1992), n'a guère été imité par les chercheurs arabes. Une exception notable : à l'occasion de la publication d'enregistrements anciens de Syrie et du Liban par la fondation AMAR, une contributrice du coffret, Diana Abbani a dépouillé la presse de Beyrouth des premières années du XXème siècle, et elle y a trouvé une foule d'informations sur les musiciens que nous ne connaissions jusque là qu'à travers les catalogues et les rondelles des disques (Abbani 2014). Cette source d'informations ne concerne d'ailleurs pas seulement le Liban lui-même, mais aussi la vie musicale à Damas et à Alep où, à cette époque, il n'y avait pas une presse aussi libre ni aussi active.

 

L'exploitation des sources écrites nécessite bien entendu un recul critique et notamment sociologique par rapport à des textes qui ont été couchés sur le papier dans un certain contexte historique ou politique que nous ne connaissons plus. C'est ce que montrait la thèse de Bernard Moussali, qui a fait une historiographie très minutieuse du Congrès du Caire, en exploitant non seulement les deux recueils des actes du Congrès (1933 et 1934), mais aussi toute la littérature spécialisée de l'époque, ainsi que des témoignages oraux (Moussali 2016 A paraître). Très brièvement, sa thèse peut être résumée comme suit : en "inventant" la musique arabe moderne en 1932, les musicologues égyptiens en ont créé une version aseptisée et épurée (y compris au sens ethnique !) de ses sources diverses, iraniennes, turques, et minoritaires : grecque, arménienne, copte, syro-libanaise. Une partie du travail de Moussali visait à remettre à l'honneur toutes ces sources, pour concevoir une musique arabe qui serait ouverte et qui s'ennorgueillirait autant de sa diversité culturelle que de l'unité de ses formes.

 

En ce qui concerne les archives coloniales, elles n'ont encore presque pas fait l'objet de recherches sur la musique. Compte tenu de la durée de la présence française en Algérie, il semble que la musique de ce pays soit la mieux indiquée pour y effectuer un sondage. C'est ce choix qui a été fait par Malcolm Theoleyre pour la préparation d'un doctorat en cours (EHESS). En exploitant notamment le Journal officiel, les archives de la wilaya d'Alger et la presse du début du XXème siècle, il est en train de découvrir la complexité et la richesse des relations qu'entretenaient les musiciens et les mélomanes musulmans, juifs et européens au début du XXème siècle. Il montre notamment que le modèle associatif remarquable qu'avaient pris ces pratiques de la musique n'était autre que le modèle français établi par la loi de 1901, et qu'il n'était pas lié à des conceptions nationalistes, du moins pas à ses débuts (Theoleyre, chapitre II, en préparation, EHESS). Il n'en reste pas moins que ces associations musicales se rangeront assez vite aux côté du mouvement national du fait des errements de la politique coloniale française vis-à-vis du "statut indigène". Nous assistons aussi, avec la rédaction de cette thèse, aux circonstances de l'émergence du concept de "musique arabo-andalouse" formulé par les musicologues orientalistes (Rouanet, Salvatore Daniel). Nul doute que l'usage de cette méthodologie sera poursuivi par d'autres étudiants qui s'intéressent à d'autres pays du Maghreb, notamment sur la musique arabo-andalouse au Maroc, en portant une attention particulière au rôle de mécénat du Mandat français, puis de la cour sultanienne (autre thèse en cours).

 


 

Vers une nouvelle historicité pour les musiques du Proche Orient

 

Si les conflits coloniaux se sont estompés, ils ont cependant laissé des traces profondes dans le monde arabe, en particulier sur l'épistémologie des sciences sociales. Témoin la difficulté avec laquelle l'ethnologie et l'ethnomusicologie sont acceptées dans les institutions de recherche locales (Vatin et Lucas1975). Par ailleurs, le conflit israélo-arabe, qui n'a fait que s'envenimer durant plusieurs décennies, et reste comme un "couteau dans la plaie" du Proche-Orient, a des incidences très importantes pour la pratique musicale.

 

Certes l'inégalité technologique de la relation musicale entre l'Occident et l'Orient arabe se pose aujourd'hui selon des termes différents de ce qu'ils étaient dans les années 30. La diffusion croissante des musiques arabes et orientales notamment en Europe, représente un acquis "culturel stratégique" pour cette région du monde : une grande partie de la pratique musicale et de la réflexion esthétique se passe aujourd'hui dans l'émigration, ou dans un aller-retour entre une diaspora et des pays d'origine. Par ailleurs, l'Occident n'a plus le monopole de la technologie musicale. Les réappropriations se font aussi, de manière croissante, à distance, grâce aux moyens de communication électroniques et numériques. La question de la diversité des identités se pose comme une question essentielle sur le plan éthique, pour les sociétés arabes comme pour les sociétés européennes et américaines. La musique ne peut donc plus être envisagée de manière essentialiste ni séparée de l'état actuel des ces sociétés, y compris des conflits politiques et sociaux existant en leur sein.

 

Sur un plan théorique, il semble que cette relation entre ethnomusicologie et histoire puisse bénéficier de l'expérience et de la réflexion des anthropologues dans ce domaine. Tout d'abord, il est bien clair que, contrairement à ce que pensaient les évolutionnistes de tout poil, l'Histoire n'a pas de terme ni d'orientation fixe (Gauchet 1985). Il s'agit donc de l'aborder en toute humilité. Outre l'approche déjà citée d'Alban Bensa visant à combiner une "explication contextuelle" par l'histoire et une "explication globalisante" par l'anthropologie (Bensa et Fabre 2001), il semble possible, selon l'historienne Sophie Wahnich, d'établir une nouvelle forme de dialogue entre le présent et le passé,  : à la suite des travaux de Nicole Loreaux dans les années 90 (voir son livre L'oubli dans la cité), il ne s'agirait plus simplement de rechercher des origines mais de pratiquer un "anachronisme contrôlé", c'est-à-dire de "voir comment des questions présentes permettent de circonscrire des questions passées, pour revenir éventuellement vers le présent lestés de nouvelles manières d'envisager les problèmes" (...). Toujours d'après le même auteur, "Dans une approche d'histoire globale (mondiale), c'est le présent qui produit les objets d'histoire et ces objets d'histoire permettent de revenir vers le présent avec de nouvelles perspectives (...). L'histoire nous aide alors à être plus lucides, elle permet de fabriquer une conscience historique, indissociable d’une conscience politique" (Wahnich, 2013).

 

Ainsi, pour revenir au face à face musical entre l'Orient et l'Occident, on peut remarquer que le Congrès du Caire de 1932 eut un effet réel dans la création ou l' "invention" de la "musique arabe" à ce tournant des années 30. C'est seulement en remettant cet événement dans son contexte de l'époque que l'on peut comprendre la dynamique sociale qui a permis l'émergence d'une grande quantité de formes musicales. Et afin d'entreprendre de telles "relectures",  il convient d'abord d'évoquer l'importance des archives musicales se trouvant dans les anciennes puissances coloniales, ainsi que leur relative accessibilité, pour étudier les dimensions directement politiques de ces conflits. Il s'agit en particulier de la colonisation française au Maghreb, de l'occupation coloniale au Proche-Orient et du conflit israélo-arabe. Par exemple, on trouve au CREM des documents d'une grande valeur pour l'histoire politique de cette région, comme ce chant druze composé à la gloire du grand leader nationaliste syrien Sultân al-Atrash :

http://archives.crem-cnrs.fr/archives/items/CNRSMH_I_1954_008_001_02/

 

Ce document, enregistré dans les années 50 en Syrie (par Simon Jargy), était déjà à l'époque la commémoration d'un événement passé, la révolte des Druzes dans les années 20, qui avait été un jalon essentiel du patriotisme syrien. Or ces enregistrements passèrent plus de cinquante ans dans les collections du Musée de l'Homme sans que cette profondeur historique ait été reconnue... Les événements récents en Syrie la rendent d'autant plus actuelle.

 

De même, dans l'ancien fond de la Phonothèque nationale, aujourd'hui mis en ligne sur Gallica, le site de la Bibliothèque Nationale de France, on trouve d'abondantes archives particulièrement pertinentes pour l'histoire de la colonisation française du Maghreb, par exemple cette belle chanson patriotique algérienne :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k127270m/f2.item.r=Yaf%C4%ABl,%20Edmond%20Nathan.langFR

 

L'analyse ne sera pas indifférente au fait que le compositeur, Edmond Yafil et l'interprète principale de cet hymne patriotique, l'admirable Marie Soussan, étaient juifs tous les deux : cela peut démolir certains clichés...

 

L'autre aspect de la relation inégale entre l'Orient et l'Occident dans le domaine de la musique est illustrée par les relations de cette aire culturelle avec les orientalistes, qui étaient souvent arrivés "dans les fourgons" de l'occupant. Il faut donc prendre en compte la mémoire de la musicologie orientaliste et de sa confrontation à leurs informateurs "indigènes". Dans l’ouvrage documentaire Les musiques du monde arabe et du monde musulman. Bibliographie et discographie, que j'avais coordonné avec Christian Poché, chaque chapitre était introduit par un historique inédit des recherches en français effectuées sur chaque région du monde musulman (qui avait été rédigé par Christian), avec de nombreuses références aux musicologues français spécialistes du monde arabe (en particulier Guillaume Villoteau, Jules Rouanet, Rodolphe d'Erlanger et Alexis Chottin, (Poché et Lambert 2000). Pour sa part, la fondation AMAR a elle aussi choisi de mettre en valeur ces chercheurs souvent oubliés (http://www.amar-foundation.org/data/documents/). Mais il n'y a pas de doute qu'il serait très intéressant d'approfondir les relations qu'entretenaient chacun de ces grands chercheurs avec leurs informateurs égyptiens, algériens, marocains et tunisiens : on sait que les relations entre Jules Rouanet d'une part, et d'autre part Edmond Yafil et Mohammed Abûra (de Tlemcen) n'étaient pas simples. Celles entre Rodolphe d'Erlanger et des musiciens comme 'Alî al-Darwîsh et Khumays Ternan non plus, sans parler du rôle trop effacé de son secrétaire tunisien, al-Mannûbî al-Senûsî, notamment dans la rédaction du grand opus La musique arabe (Poché 2001)...

 

Le conflit israélo-arabe, évenement majeur qui a modifié le visage de tout l'Orient arabe, y compris les pays du Maghreb, avait commencé dès la fin des années 20, avec les premières grèves générales arabes en Palestine en 1929 et en 1936. Ce conflit territorial, combiné avec les événements tragiques de la Deuxième Guerre Mondiale, a singulièrement accéléré le cours de l'histoire et provoqué d'importants déplacements de population. Pour les Arabes, deux grandes questions politico-historiques se posent dans ce conflit : d'une part, la relation entre les colons israéliens et les habitants arabes de la Palestine ; d'autre part, la relation qu'entretenaient les juifs des pays arabes avec leurs compatriotes musulmans et chrétiens.

 

Concernant la relation des colons sionistes avec les autochtones arabes dans la première moitié du XXème siècle, le nom de Robert Lachmann est incontournable : ce grand musicologue et arabisant allemand avait présidé la Commission des Enregistrements au Congrès de Musique arabe du Caire en 1932 ; puis contraint à s'exiler d'Allemagne en 1933, il avait émigré à Jérusalem où il enseigna à l'Université Hébraïque et fit de nombreuses recherches sur les musiques traditionnelles de Palestine et il constitua d'importantes archives sonores (Davis 2010). Il réalisa également un programme de "musique orientale", à la radio britannique de Palestine (Palestine Broadcasting Service) de 1936 à 1937

http://www.music.ucsb.edu/projects/musicandpolitics/archive/2010-2/davis.pdf

 

Ce programme incluait de nombreuses musiques arabes et juives de Jérusalem (enregistrements live), dans une période où l'utopie d'une cohabitation pacifique (notamment sous la forme du "sionisme culturel") était en train de s'évanouir. Jusqu'à aujourd'hui, ces archives existent sans être d'accès commode pour les chercheurs, en particulier pour les chercheurs arabes...

 

L'autre aspect du conflit, c'est la coexistence souvent excellente qui existait entre juifs et musulmans pendant toute la période précédente, c'est à dire la période ottomane et, en Egypte, la période khédiviale (Meddeb et Stora 2013). Les juifs, chrétiens et musulmans écoutaient et pratiquaient le plus souvent les mêmes musiques. Or la musique laisse dans la mémoire collective des traces qui sont naturellement proéminentes et positives. La célébrité de certains musiciens peut être occultée temporairement, elle resurgira à l'occasion de divers processus de réappropriation. Compte tenu de ces conflits qui ont déchiré le Moyen Orient au XXème siècle, de tels mécanismes ne sont pas anecdotiques. Par exemple, pour les juifs sépharades qui ont quitté massivement les pays arabes entre 1940 et 1950, la mémoire des grands musiciens arabes témoigne d'une profonde nostalgie et d'un temps pas si éloigné où juifs, chrétiens et musulmans adulaient les mêmes artistes d'expression arabe. De même, si l'on pense à les chanteurs comme Raymond Leyris, Sheykh al-'Afrît, Habîba Msîka (http://www.okbob.net/article-12600429.html), Fawziyya al-Halabiyya, Dâwûd Hosnî, Leyla Murâd, et des instrumentistes comme 'Azûrî Hârûn, Mûsâ Shammâsh (et Neydavûd Morteza en Iran), parmi tant d'autres, le simple fait d'entretenir le souvenir de ces vedettes, pour les musulmans et les chrétiens qui sont restés au pays, est en soi une prise de position en faveur du partage, de la cohabitation et d'une conception ouverte de la nation (Merdaci 2013). Aussi la valorisation de cette mémoire devrait être une des priorités pour la recherche en histoire de la musique arabe, non seulement dans une perspective académique, mais aussi dans une perspective citoyenne.

 

Parmi tous ces artistes d'origine juive, on remarque une grande importance de l'élément féminin, notamment les chanteuses, qui, au début du XXème siècle, étaient souvent d'origine minoritaires, juives et chrétiennes, parce qu'elles étaient moins soumises aux normes religieuses et sociales de la pudeur, et qu'elles pouvaient ainsi mener une carrière publique. C'est dire l'importance du développement des carrières féminines comme celle de Munîra al-Mahdiyya, d'Umm Kalthum ou d'Asmahân, qui représentent à chaque fois une rupture importante avec les conventions de la société, et avec le statut assez bas des 'awâlim qui était la règle dans la période précédente. Beaucoup reste à écrire sur les relations du genre et de la musique en Egypte et dans les autres pays arabes (Lagrange 2009).

 

Le rôle des historiens de la musique arabe est absolument essentiel dans cette transformation de la conscience qu'en ont les musiciens eux mêmes, ainsi que leur public : quelles sont les grandes tendances de la relecture de l'histoire de la musique ? Sur quels corpus les musiciens se basent-ils pour construire leurs répertoires contemporains ? Par exemple il y a les "puristes" qui s'intéressent plutôt aux musiciens du début du XXème siècle et les "modernistes" qui s'intéressent plutôt au musiciens de la deuxième partie du XXème siècle. Quel est le rôle des musiciens qui sont passés par l'émigration ou par les circuits du spectacle, par rapport aux musiciens qui se sont cantonnés dans la tradition ?

 

Dans le cadre du programme de recherche "Musiques et politiques mémorielles : émergence, histoire, appropriations" (programme Labex "Les passés dans le présent", Université Paris Ouest-Nanterre, je me propose d'approfondir certains de ces aspects, notamment le façonnage nationaliste des représentations du passé de la musique arabe au XXème siècle, ainsi que la réappropriation actuelle du patrimoine musical arabe par des acteurs très divers et souvent indépendants, associations, fondations, musiciens et producteurs indépendants ou parfois étatiques, patrimoine que l'on pourrait qualifier actuellement d' "éclaté" :

http://www.passes-present.eu/fr/les-projets-de-recherche/relations-au-passe/musiques-et-politiques-memorielles-emergence-histoire#.VK1PMfmLe1F

 

 

Les réflexions exposées ici sont relativement informelles et ouvertes, et j'espère qu'elles seront enrichies par les suggestions de nombreux lecteurs.


 

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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